jeudi 10 juin 2010

La prise illégale d'intérêt

LA PRISE ILLEGALE D'INTERET
Les mandats locaux peuvent présenter des risques pour ceux qui les exercent. Ainsi, arrive-t-il que dans certaines circonstances les élus se retrouvent poursuivis pour délit de prise illégale d’intérêts, ou d’octroi d’avantage injustifié. Souvent méconnues, ces infractions peuvent aboutir à une condamnation pénale si aucune précaution n’est prise. Elles sont conçues pour tous les types de mandats locaux, mais nous les examinerons sous l’angle des élus municipaux.

NOTION DE PRISE ILLEGALE D’INTÉRET
Définition
Le délit de prise illégale d’intérêt est défini à l’article L. 432-12 du nouveau code pénal :
« Le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir et conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge de la surveillance, de l’administration, de la liquidation ou du paiement ».
Ce délit, conçu dans un but de prévention et de dissuasion, incrimine la confusion des intérêts privés des élus et les intérêts de la commune.

Personnes pouvant être inculpées de prise illégale d’intérêt.
Le maire n’est pas le seul à pouvoir être poursuivi pour cette infraction. D’autres personnes peuvent être amenées à en répondre, notamment :
- les adjoints ou les conseillers municipaux agissant en tant que suppléant du maire, ou dans le cadre de leur délégation de fonction, ou pour des affaires les intéressant personnellement,
- les fonctionnaires communaux, à condition qu’ils aient participé à la préparation de l’acte en cause,
- les proches et les membres de la famille de l’élu, au titre de complices de la prise illégale d’intérêt (NB : attention, le complice de l’infraction est sanctionné par les mêmes peines que l’auteur de l’infraction. C’est ce que prévoit l’article L. 121-6 du nouveau code pénal : « Sera puni comme auteur le complice de l’infraction au sens de l’article L. 121-7 »).

Les sanctions encourues.
• peine maximale de 5 ans d’emprisonnement, 75 000 € d’amende (art. L. 432-12)
• dans certains cas, le juge peut prononcer des peines complémentaires, qui ne sont pas à négliger [art. L. 432-17 du nouveau code pénal : interdiction des droits civils, civiques et de famille ; interdiction temporaire ou définitive d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise ; confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus ; affichage ou diffusion de la décision prononcée ; inéligibilité pendant une durée de cinq ans (art. L. 7 du code électoral)].

LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DU DÉLIT
D’une manière générale, pour que le délit de prise illégale d’intérêt soit constitué deux conditions doivent être remplies :
1. l’élu doit avoir au moment de l’acte, la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement de l’affaire dans laquelle il a pris intérêt.
(La surveillance comprend des attributions telles que les missions de préparation, de proposition, de présentation de rapports ou d’avis en vue de la prise de décisions par d’autres personnes).
2. l’élu concerné doit avoir pris, obtenu ou conservé un intérêt dans l’opération considérée.
(La notion d’intérêt est vaste : il peut être constitué par la perception directe ou indirecte de bénéfices, ou d’avantages pécuniaires ou matériels. Mais l’intérêt peut aussi être d’ordre politique, moral ou affectif.
L’opération peut être l’attribution de travaux, un marché, une mission avec rémunération, une vente, une location, un contrat de fourniture…)

Il est à noter que ce sont le maire et le premier adjoint qui sont le plus étroitement surveillés par les tribunaux. Ainsi, le maire ne peut s’exonérer de sa responsabilité même s’il a accordé des délégations à ses adjoints.

LES PRÉCAUTIONS À PRENDRE POUR ÉVITER LA PRISE ILLÉGALE D’INTÉRÊTS
L’interprétation très stricte du code pénal par les juges et l’étendue de leur contrôle doit inciter les élus locaux, occupant des fonctions dirigeantes au sein d’une entreprise, à prendre certaines précautions lorsque se nouent des relations contractuelles entre l’entreprise et la commune.
• Il est recommandé aux élus, en particulier aux maires et adjoints, de dissocier clairement et sans ambiguïté, leur mandat local et celui de chef d’entreprise ou de responsable associatif.
• Afin d’éviter la condamnation pour prise illégale d’intérêt, l’élu devra veiller à ne pas avoir la direction ou le contrôle d’une opération susceptible de concerner sa propre entreprise.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire